Son travail? Veiller sur plus de 15 millions d’insectes
Publié par Mauna Kea dans Témoignages le 27/11/2020 à 09:32
Entomologiste, Alain Drumont fait partie de l’équipe chargée de prendre soin des collections entomologiques de l’Institut Royal des Sciences Naturelles. Un trésor inestimable, dont certaines pièces ont plus d’un siècle et demi. Retour sur l’itinéraire d’un passionné.
Comme beaucoup d’entomologistes, Alain Drumont est tombé dans l’univers des insectes lorsqu’il était petit. « Mon père aimait bien collecter des papillons lorsque nous étions en vacances. Je l’aidais un petit peu à préparer sa collection. Je pense que c’est à ce moment que j’ai contracté le virus de l’entomologie. » Un virus qui reviendra avec force au moment de ses études de zoologie à l’Université Libre de Bruxelles.
« Parmi les exercices imposés, il y avait la classique boîte à insectes. C’est là que le virus est revenu pour ne plus me quitter. J’ai fait mon mémoire sur la lutte contre les cochenilles à l’aide de coccinelles. J’ai ensuite travaillé pour l’université, où j’ai participé à une étude sur une espèce de coléoptères qui ravageait les épicéas.
De fil en aiguille, j’ai présenté et réussi le concours d’entrée à l’Institut des Sciences Naturelles et intégré le département de Taxonomie et Phylogénie, où je m’occupe des collections.
Un trésor bien préservé
Ces collections, dont les plus anciennes remontent à 1860, sont un témoin précieux du passé. « Comme nous sommes très attentifs aux conditions de stockage des boîtes, les exemplaires sont très bien conservés. Certains insectes ont été étalés il y a plus de 150 ans, et, franchement, ça ne se voit pas. »
Ces boîtes représentent un patrimoine scientifique inestimable, et renferment encore aujorud’hui des leçons utiles pour les scientiqieus. « Pour l’anecdote, je vous dirai par exemple que les insectes, on moins changé de forme en un siècle et demi que les humains, dont la taille moyenne a gagné plusieurs centimètres. Plus sérieusement, disposer de ces collectiosn anciennes nous permet de faire des constatations intéressantes.
Par exemple, certains coléoptères étaient limités à la Gaume il y a un siècle, alors qu’on en trouve aujourd’hui dans tout le pays. D’ailleurs, si la diversité des papillons a diminué dans le pays, ce n’est pas le cas des autres coléoptères.
Il y a aujourd’hui plus d’espèces présentes qu’au 19e siècle. Mais attention, cependant : le nombre d’espèces et la quantité d’insectes dans la nature sont deux données différentes. Si nous avons gagné en diversité d’espèces, la biomasse a quant à elle sévèrement diminué.
Un témoignage précieux
Le fait de disposer des boîtes à insectes – plus de 75.000 en tout, qui renferment plus de 15 millions d’insectes - permet aussi aux scientifiques de revenir sur certaines identifications, pour nous assurer qu’elles ont été correctement effectuées. «
C’est le gros avantage des boîtes à insectes sur les simples rapports : comme nous disposons des insectes, nous pouvons revenir sur les études de population et nous assurer qu’il n’y a pas eu d’erreur d’identification. Le fait de disposer de collections historiques nous permettent aussi d’attester la présence ou l’absence de certaines espèces au fil du temps.
Nous avons ainsi récemment identifié une espèce de longicorne très proche d’une espèce indigène, dont nous avons pu prouver que l’arrivée dans notre pays est toute récente. Enfin, certaines collections sont d’authentiques témoins d’une époque révolue : nous disposons ainsi d’une série de boîtes qui nous ont été léguées par un collectionneur.
Ces boîtes contiennent des papillons de jour en provenance d’une région d’Afrique qui a souffert d’un déboisement massif au cours des dernières décennies. Ces espèces ont aujourd’hui hélas disparu, mais grâce au travail patient de ce collectionneur, nous disposons ici d’exemplaires qui nous permettent de témoigner du passage de ces insectes sur terre. »
