Des boîtes à insectes en correctionnelle ou aux assises?

 

Les aficionados de la série policière "les experts" le savent déjà: l’entomologie est une des branches de l’expertise médico-légale.

En quoi consiste le travail quotidien de ces spécialistes hors du commun?

 

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Françoise Hubrecht et Luc Bourguignon travaillent au sein de l’Institut National de Criminalistique et de Criminologie.

 

Leur spécialité?

Les mouches!

 

"Pour être tout à fait précis, ce sont plutôt leurs larves qui nous intéressent, du moins dans un premier temps", explique Luc Bourguignon. "Lorsque la police découvre un cadavre, un des éléments cruciaux de l’enquête est de déterminer le moment du décès.

 

Un médecin légiste sera capable de déterminer ce moment avec précision tant que la température du corps est supérieure à la température ambiante. Une fois que ce n’est plus le cas, c’est à nous d’intervenir. Notre investigation commence par la récolte des larves d’insectes présentes sur le corps."

 

Un odorat exceptionnel

 

"Ça peut sembler évident comme affirmation: dès qu’un organisme cesse d’être vivant, sa biologie change radicalement", poursuit notre expert. "Et avec elle, les particules odorantes qu’il émet. Or, pour les insectes, et les mouches en particulier, le monde est surtout chimique. Elles distinguent donc très rapidement ces nouvelles particules. Et comme un organisme mort, quelle que soit sa taille, est le milieu idéal pour la croissance de leurs larves, elles vont localiser le corps et venir y pondre leurs œufs.

 

Notre travail est donc de déterminer avec le plus de précision possible le moment de la ponte."

 

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Comment remonter le temps?

 

Dès leur retour au laboratoire, nos experts placent les larves récoltées dans des incubateurs spécialement conçus à cet effet. La première étape consiste en effet à attendre qu’elles achèvent leur croissance et deviennent des mouches, que nos experts peuvent alors identifier. "Nous disposons aujourd’hui, pour la plupart des espèces, de tableaux de développement.

 

Ces tableaux étudient le nombre de jours et la température nécessaires à la croissance des larves. Nous parlons de "degrés-jours". Comme les conditions dans les incubateurs sont standardisées, nous savons combien de degrés-jours nos larves ont reçus depuis leur arrivée dans le laboratoire. En utilisant nos tables, nous pouvons donc facilement déduire le nombre de degrés-jours que les larves ont dû emmagasiner auparavant." Au moment du prélèvement, les entomologistes ont installé un capteur de température sur les lieux.

 

Après une dizaine de jours, les relevés sont comparés à ceux de la station météorologique la plus proche ou celle qui bénéficie des conditions (altitude, ensoleillement, hygrométrie, végétation…) les plus semblables. Cette comparaison permet aux spécialistes de modéliser le lien entre la température sur les lieux de la découverte et celle de la station. Ils peuvent alors "remonter le temps" et déterminer, en croisant les données météo des jours précédant le prélèvement des larves et les tables de développement, le moment de la ponte.

 

"Plus nous avons d’espèces de mouches différentes, plus notre estimation sera précise: chaque espèce a en effet ses propres paramètres de croissance, et nous disposons donc en fin de parcours d’un faisceau d’estimations concordantes." Mais le travail des entomologistes ne s’arrête pas là.

 

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Le "flair" des spécialistes

 

Après tous ces calculs, nos entomologistes ont une idée de la date de la ponte. Mais ce n’est pas nécessairement la date du décès. Une série de paramètres peuvent en effet favoriser ou empêcher la ponte.

 

"Par exemple, les mouches ne sortent pas la nuit pour pondre. Ni quand la température est trop basse ou qu’il pleut. Nous devons donc une fois de plus nous pencher sur les données météorologiques au moment de la date de ponte estimée pour tenir compte de ce facteur."

 

Le fait que le corps soit à l’intérieur peut aussi empêcher ou retarder la ponte. "Mais là aussi, il faut se montrer prudent: ce qui nous paraît hermétique en tant qu’humains peut s’avérer très ouvert pour des insectes. À cette étape, c’est donc aussi l’expérience et le bon sens qui nous guident. Ainsi que les études menées par nous ou par nos collègues."   

 

Réseau international

 

Nos spécialistes de l’entomologie médico-légale peuvent en effet compter sur un réseau international d’experts qui échangent résultats d’études et bonnes pratiques. Créée il y a quasi 20 ans, la European Association for Forensic Entomology est aujourd’hui bien plus qu’européenne, puisqu’elle accueille des membres du monde entier. "Mettre nos capacités de recherche en commun, discuter ensemble de méthodologie, partager nos découvertes est important dans notre métier. Les mouches, qui sont nos principaux sujets d’étude, ne sont pas très "sexy" dans le monde de l’entomologie, et étudier la vitesse de développement des larves pour construire des tableaux est un travail ingrat.

 

Pour vous donner un exemple, nous avons récemment mené une étude sur Cynomya mortuorum, une espèce connue depuis plus de 200 ans, mais pour laquelle il n’existait encore aucune étude sur le développement des larves. Cette étude a duré 7-8 mois, et nous a permis d’établir une table de développement que nous avons pu partager avec nos collègues. D’autres ont par exemple effectué des études sur la vitesse à laquelle les mouches pénètrent ou non des endroits clos."

 

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Des boîtes à insectes en salle d’audience?

 

En tant que client de MaunaKea, le laboratoire de Françoise Hubrecht et Luc Bourguignon commande régulièrement des boîtes à insectes.

 

"En tant qu’experts, nous intervenons au cours des procès. Nous devons donc effectivement préparer des boîtes à insectes pour expliquer notre méthodologie, nos découvertes et nos conclusions. Nous n’y plaçons pas tous nos spécimens, bien sûr, et nous ne passons pas non plus des heures à les étaler minutieusement: du moment qu’il est possible d’identifier les espèces sans équivoque, c’est suffisant. Nous conservons le reste des spécimens de chaque enquête dans l’alcool. Après tout, ce sont des preuves judiciaires qu’il faut conserver!"

 

Une technique d’avenir

 

L’entomologie médico-légale est une discipline déjà ancienne, puisqu’elle existe depuis plus d’un siècle. Tombée en désuétude dans la deuxième moitié du 20e siècle, elle a connu un regain d’intérêt depuis les années 1990. En Belgique, l’Institut de National de Criminalistique et de Criminologie a été créé en 1991 et son laboratoire en 1993.

 

Les activités d’entomologie médico-légale y ont démarré en 2003 et tournent aujourd’hui à plein régime. La prochaine fois que vous regarderez un épisode des Experts, dites-vous que chez nous aussi, des entomologistes effectuent tous les jours le même travail avec méthode et rigueur.

 

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Nous remercions vivement Françoise Hubrecht et Luc Bourguignon pour leur temps, le partage de leur connaissance et les quelques photos originales. A ce sujet nous tenons à rassurez tous nos lecteur: il s'agit dune fausse scène de crime dans le cadre d'une formation des inspecteurs de police. La victime se porte bien, merci pour elle..

 

Connaissez-vous d'autres métiers inattendus liés à l'entomologie? Auriez-vous envisager une carrière au sein du laboratoire de l'Institut de National de Criminalistique et de Criminologie?

 

Nous attendons vos commentaires.

 

Au plaisir de vous lire très vite

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